La santé auditive à l’honneur de La Semaine du Son 2016
Prétexte de cette soirée-débat : l’étude Ipsos-La Semaine du Son « Les jeunes et le monde sonores » qui avait été dévoilée lors d’une conférence de presse en octobre 2015, et dont certains résultats marquants ont d’ailleurs été largement relayés par la presse généraliste fin 2015.
Les experts et scientifiques réunis au ministère de la Santé – parmi lesquels le Dr Shelly Chadha qui conduit le programme Prévention de la surdité à l’OMS, le professeur Paul Avan de l’université d’Auvergne, le Dr Jean-Michel Klein, président du Syndicat national des ORL (SNORL), le professeur Hung Thaï-Van du CHU de Lyon, ou encore le professeur Lionel Collet, conseiller d’État en charge notamment du pilotage de la Grande conférence Santé – avaient pour mission d’expliquer ces résultats et de tenter de trouver des solutions aux problèmes soulevés.
Sous la direction de Christian Hugonnet, président fondateur de La Semaine du Son, c’est le Dr Shelly Chadha qui a ouvert le bal, en exposant sa mission au sein de l’OMS, et notamment le programme « Écouter sans risques », dont elle nous avait expliqué les détails dans une interview exclusive en mai 2015. « Un des objectifs de cette initiative est d’attirer l’attention de toutes les parties prenantes ». En effet, selon Shelly Chadha, tout le monde a un rôle à jouer dans la prévention et l’éducation, et notamment les parents et les enseignants, mais aussi les fabricants d’appareils permettant d’écouter de la musique. Ces derniers doivent concevoir du matériel respectant l’audition des utilisateurs, quand les gérants de salles de concerts et autres boîtes de nuit doivent respecter la législation en termes de niveau sonore sans oublier le rôle du Gouvernement qui a la responsabilité de mettre au point et de faire appliquer la législation.
Les mauvaises pratiques des jeunes
Puis Luc Barthélémy, chargé d’études à l’Ipsos, et Jean-Louis Horvilleur, audioprothésiste, musicien et administrateur de La Semaine du Son, ont à nouveau présenté les résultats de l’étude Ipsos, avant de laisser le micro aux chercheurs. Le Pr Paul Avan a notamment expliqué pourquoi le système auditif, chez l’enfant et le jeune adulte, est si vulnérable : sa maturation complète n’intervient qu’à l’âge adulte. Il a rappelé que les cibles principales de l’exposition au bruit sont les cellules ciliées, mais aussi le nerf auditif, et parfois même les voies supérieures. « Mais ce qui préoccupe beaucoup les chercheurs depuis une dizaine d’années, ce sont les lésions qui n’ont pas un effet immédiat, mais retardé », a indiqué Paul Avan, citant les travaux de Sharon Kujawa et Charles Liberman, de l’université Harvard, sur la neuropathie du système auditif. « Avec mon équipe et celle du professeur Christine Petit, nous nous sommes intéressés aux mécanismes sous-jacents de ces destructions tardives et nous avons mis en évidence une nouvelle voie de nettoyage, en quelque sorte, des cellules – sensorielles et neurones – après expositions sonores », faisant référence aux travaux sur la pejvakine, que les deux chercheurs nous avaient expliqués en novembre 2015.
Le Pr Hung Thai-Van est quant à lui revenu sur le dépistage néonatal de la surdité, obligatoire en France depuis 2012, et aux tests auditifs qui sont disponibles pour réaliser ces dépistages. L’occasion pour le praticien de rappeler que ces tests (otoémissions et potentiels évoqués) ne sont pas suffisants, notamment quand il s’agit de détecter les troubles du traitement auditif, qui touchent 2 à 3 % de la population selon une étude américaine, et 7 % de la population selon une étude britannique. Le chercheur prône donc les Speech ABR qui, eux, sont en revanche capables de détecter ces troubles.
Le Dr Jean-Michel Klein, président du Syndicat national des ORL (SNORL), a fait le constat que nous vivons dans le bruit. En sondant ses collègues ORL, il constate que 50 % des consultations sont liées à l’oreille, et 30 % sont liées à des bruits ou à des problèmes d’acouphènes.
Quelles solutions pour changer les pratiques ?
La deuxième partie de la soirée était consacrée aux pistes qu’il faut suivre pour apporter des solutions à ces troubles de l’audition. La prévention a, bien entendu, pris une grande place lors de ces présentations, notamment dans les propos de Jean-Louis Horvilleur. Il a rappelé le rôle important de la sensibilisation des parents, des adolescents et des enfants, et insisté sur l’apport de la communauté éducative. Ces propos ont trouvé un écho dans la présentation de Fanny Mietlicky, directrice de Bruitparif, association qui mène des actions de prévention et des études autour du bruit en Île-de-France. Fanny Mietlicky est revenue sur une action menée par l’association à destination des enfants, pour les sensibiliser aux risques liés à l’écoute de musique amplifiée : les mallettes Kiwi. Ces mallettes contiennent 17 tablettes, utilisées comme support de contenus pédagogiques dans le cadre d’ateliers de prévention sur la thématique de l’exposition au bruit.
La prévention est également assurée du côté de la Mutualité française, comme l’a rappelé Étienne Caniard, également invité lors de cette soirée de La Semain du Son. « Toutes les enquêtes que nous réalisons sur la prévention auditive montre que le déficit auditif vient derrière tous les autres sujets en matière de prévention, a-t-il constaté. Mais je suis optimiste car au delà du progrès technologique, le numérique va changer les choses », notamment dans l’action de prévention des mutuelles.
Enfin, le Pr Lionel Collet a conclu la soirée, brièvement, mais avec l’éloquence qui le caractérise toujours. Le conseiller d’État a d’abord fait le constat – sévère, mais juste – que le monde de l’audiologie n’a pas connu d’innovation de rupture depuis 20 ans, pas de découverte fondamentale directement applicable au patient. Un constat qui n’est pas alarmant, précise-t-il, puisque les outils dont nous disposons, aussi bien en termes de prévention que de traitement, sont de grande qualité. « Aujourd’hui, ce qui est fondamental pour le malentendant, c’est d’avoir des professionnels de qualité. Et le deuxième élément, c’est que, si au-delà d’une médecine curative, le mouvement est d’aller vers une médecine plus précoce, un mouvement de santé publique qui est inscrit dans la Loi de Santé, alors aujourd’hui, la réponse absolue qu’il ne faut pas oublier d’apporter, c’est celle de la prévention, de l’éducation et de l’information. Et si nous pouvons le faire, c’est aussi en nous appuyant sur des événements comme La Semaine du Son, qui porte un éclairage, au-delà du son, sur l’audition et l’information. »
La charte présentée à l’UNESCO
Les festivités de La Semaine du Son avaient commencé officiellement la veille, le 18 janvier 2016, dans les locaux de l’UNESCO, en présence d’un public nombreux et d’éminentes personnalités du monde sonore, entre autres. C’est à cette occasion que les membres de La Semaine du Son ont exposé leur charte, qui « définit les objectifs à atteindre et les bonnes pratiques à mettre en œuvre » dans les cinq principaux secteurs d’activités concernés par le sonore, à savoir : la santé, l’environnement sonore, les techniques d’enregistrement et de diffusion sonores, la relation image et son et l’expression musicale et sonore.
La charte, qui a été adoptée par l’association lors de son assemblée générale le 3 juin 2014, a été déposée à la Société des Gens de lettres le 1er juillet 2014 et servira de socle commun à l’organisation des Semaine du Son partout dans le monde.