Quelles sont les alternatives à la fin de la dérogation des primo-prescriptions par les généralistes ?

Alors que la fin de la prescription des aides auditives par les généralistes a provoqué un ralentissement de l’accès aux soins auditifs pour les patients, les syndicats et organismes proposent différentes solutions.

Dans un communiqué daté du 3 avril dernier, le groupe Aides Auditives du Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem) alertait sur le risque potentiel de ralentissement d’accès aux soins en audioprothèses, souligné par la baisse soudaine du taux d’équipement : la fin de la primo-prescription par les généralistes s’est traduite immédiatement par une régression des ventes de dispositifs en volume de 9,1 % de novembre 2022 à février 2023. L’organisme, qui regroupe l’ensemble des fabricants d’aides auditives, propose, dans l’immédiat, et jusqu’à ce qu’un « parcours fluide et opérationnel » soit décidé, une nouvelle prolongation de la dérogation accordée aux médecins généralistes, avec en parallèle une discussion autour du travail aidé pour les ORL, par la télémédecine par exemple. À moyen et long terme, il faudrait inciter plus de généralistes à se former à l’audiologie et, idéalement, augmenter le nombre des ORL – une perspective peu probable selon les chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), qui annonce une baisse des effectifs de 16 % d’ici à 2030. Les voies d’avenir sont là encore diverses : partage des rôles entre l’audiologiste – une nouvelle profession à créer – et l’audioprothésiste ; déploiement de la télé-audiologie ; orientation du parcours de soins selon le diagnostic initial.

Le Dr Jean-Christophe Nogrette, du syndicat de médecins généralistes MG France, estime que « les ORL ne peuvent pas satisfaire la demande en prescription d’aides auditives ». De son côté, il préconise la création d’assistante en audiométrie.

Pour le Syndicat des audioprothésistes (SDA), le délai d’obtention d’un rendez-vous chez l’ORL est précisément en cause.

Des solutions pour pérenniser le déploiement du 100 % Santé

D’après le SDA, il est nécessaire que les patients puissent retrouver des délais d’accès aux ORL raisonnables. Dans ce cadre, prolonger la dérogation de la primo-prescription par les médecins généralistes n’apparaît pas comme la première des solutions à privilégier. « Une cinquantaine d’entre eux sont formés, là où plusieurs milliers seraient nécessaires pour répondre à la demande », s’inquiète Brice Jantzem, président du SDA. « Il faudrait attendre qu’ils se forment en nombre suffisant, avec le risque de voir la situation se dégrader. » En effet, si l’on considère la baisse attendue du nombre d’ORL et la demande en soins qui va se faire impérative sous l’effet d’une population vieillissante et de la multiplication des audioprothésistes à venir, on ne peut envisager qu’un allongement des délais de consultation.

« Parce qu’on ne veut pas que la surdité devienne un problème de santé publique, il faut trouver des solutions pour pérenniser le bon déploiement du 100 % Santé », affirme Brice Jantzem. Dans l’objectif de libérer du temps aux spécialistes, une des voies envisagées serait de confier à l’audioprothésiste la réalisation de l’audiogramme et laisser à l’ORL le soin de l’interpréter. Une autre serait de soulager les ORL des ordonnances de renouvellement qui représentent près de 60 % de leurs prescriptions. « Les audioprothésistes, qui suivent leurs patients au moins tous les 6 mois, savent déjà les adresser à l’ORL en cas d’anomalie », rappelle le président du SDA. Le temps libéré par ces deux moyens permettrait à plus de spécialistes de primo-prescrire.

Décider d’un parcours opérationnel

Autres chiffres qui témoignent de la problématique à venir, ceux du Syndicat National des Entreprises de l’Audition (Synea), qui évalue la part des primo-prescriptions issues des généralistes à 20 %. Cette proportion non négligeable est inégalement répartie en France, car elle peut être très élevée dans certaines zones géographiques. « Dans ces territoires, le parcours des malentendants montre la difficulté d’accès aux ORL », explique Richard Darmon, président du Synea. Ces patients sont les plus affectés par la fin de la dérogation. « Pour résoudre le problème, il est indispensable que la filière auditive se mette autour de la table. » Le Synea préconise de prolonger la dérogation « dans les zones où la démographie des ORL est très faible », avec la possibilité de renforcer le lien entre généralistes et audioprothésistes et de revoir la délégation des tâches. Plusieurs pistes sont avancées : définir des parcours spécifiques, comme la télé-expertise, où l’ORL pourrait poser le diagnostic sur la base d’un bilan auditif délégué à l’audioprothésiste ; inciter de façon ciblée les médecins généralistes à se former, en s’appuyant sur la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) ; ou encore intégrer dans le cursus des généralistes une formation à l’otologie médicale.