Plusieurs annonces politiques ont eu lieu au Congrès des audioprothésistes

Sophie Kelley, responsable des produits de santé à la CNAM depuis novembre 2023, a tout d’abord salué l’implication des audio- prothésistes dans la réforme du 100 % Santé lors de son intervention sur le Congrès des audioprothésistes. Elle a noté que les objectifs avaient été largement dépassés par rapport aux objectifs initiaux et que les prix limites de vente étaient respectés pour 99,8 % des équipements du panier 100 % Santé, en 2023. Elle a rappelé l’obligation de télétransmettre les opérations de suivi, en précisant que la CNAM a mené une campagne auprès de la profession et des patients sur l’importance des prestations de suivi et de leur télétransmission. Cette campagne a comporté un mailing auprès des 772 000 assurés appareillés en 2021, l’envoi d’un courrier à 4 550 audios et la visite de délégués de l’Assurance Maladie dans 4 000 centres.

La télétransmission des suivis s’améliore

2,2 millions de prestations de suivi ont été transmises en 2023, en comparaison d’un peu plus de 1 million en 2022. « Une nouvelle salve de courriers et de courriels est à venir très prochainement pour inciter à poursuivre cet effort », a souligné Sophie Kelley, avant de mettre en avant les apports de la convention CNAM de 2021, avec des objectifs de qualité des prestations dispensées par les audioprothésistes, les modalités particulières de fourniture, la rationalisation des pratiques de marketing dans le respect d’une parfaite éthique, l’accompagnement financier du déploiement de la dématérialisation des échanges, la création d’instances conventionnelles pour réfléchir en concertation à l’avenir de la profession, la création d’un circuit de mise en cause conventionnelle des professionnels défaillants, etc. « On avance ensemble, afin de faire en sorte que la qualité des soins soit au rendez-vous pour les patients », a-t-elle conclu.

L’évolution des compétences des professions de santé, une priorité

De son côté, Julie Pougheon, conseillère spéciale de la directrice générale de l’offre de soins de la DGOS (rattachée au ministère de la Santé) et ancienne de la CNAM, a clairement expliqué que l’évolution des compétences des professions de santé est une priorité pour le ministère. « Nous discutons souvent avec les syndicats de la mise en place d’un décret de compétences, qui nécessite une base légale qui n’existe pas et constitue donc un véritable obstacle. Il est néanmoins possible d’instaurer des règles professionnelles, car il est nécessaire de soutenir l’encadrement de cette profession, d’autant que c’est une profession de santé, définie uniquement à partir de la finalité des actes pratiqués, du public visé et des moyens utilisés, et qui – ce n’est pas anodin – réalise des actes de vente », a-t-elle souligné. Ce travail, qui devrait suivre celui mené avec les orthophonistes, devra déterminer l’autorité responsable de la surveillance et de l’application de ces règles.

Des travaux sur la réingénierie de la formation en 2025

Parmi les chantiers en cours, elle a souligné que la réingénierie de la formation, très attendue par la profession, est programmée par le ministère de la Santé, en collaboration avec celui de l’Éducation et de la Formation.

Les travaux pourraient être lancés en 2025, pour une mise en œuvre dès la rentrée 2026. Elle a aussi abordé la nécessité de mesures de compensation cohérentes et harmonisées par rapport aux diplômes obtenus dans un autre pays européen, notamment en Espagne ; en effet, les critères d’évaluation peuvent varier d’une région à une autre. « Nous constatons une disparité dans les exigences des Dreets en matière de mesures compensatoires. On ne peut pas les imposer, mais on peut les normaliser. »

L’audiométrie diagnostique bientôt possible pour les audioprothésistes ?

Enfin, Julie Pougheon a abordé l’accès à la prescription ; elle s’est dite prête à examiner la possibilité de permettre aux professionnels de santé prescripteurs d’utiliser un audiogramme réalisé par un audioprothésiste.

« Je ne peux pas aujourd’hui vous donner d’engagement sur ce sujet, mais je prends l’engagement ici de m’atteler au sujet, a-t-elle affirmé. Nous aurons des échanges avec la HAS et les Conseils Nationaux Professionnels à ce sujet, qui est essentiel pour maintenir un accès à la prescription et donc un accès à l’équipement. » Elle a également souligné que, à son avis, le secteur de l’audition était « la plus belle réussite du 100 % Santé ».

Identifier l’audioprothésiste et non le centre

Le Syndicat des audioprothésistes (SDA), en la personne de son président, Brice Jantzem, et de son vice-président, Luis Godinho, s’est félicité de ces « bonnes nouvelles », mais a soulevé plusieurs interrogations, dont la nécessité d’identifier l’audioprothésiste lors de l’appareillage, et non le centre auditif ; cela permettrait ainsi de vérifier qu’aucun ne travaille sur plus de trois centres. Sophie Kelley a souligné que la CNAM travaillait sur des outils pour vérifier que la règle des trois centres était respectée, tandis que Julie Pougheon a rappelé le fait que « cette convention est un engagement ». Elle a également suggéré que la profession avance sur les règles professionnelles afin de pouvoir les faire respecter par la suite.

Attention au rejet des prescriptions

Brice Jantzem a indiqué que des audioprothésistes se trouvent face à un problème de prescriptions rejetées, en particulier en cas de téléconsultation. La part de remboursement reste alors à la charge de l’audioprothésiste. « Si la prescription est rejetée, il n’y a pas de blocage lorsque l’audioprothésiste la transmet, mais ensuite, il se retrouve avec des réclamations d’indus, notamment avec les prescriptions par téléconsultation qui sont refusées. Cela crée une insécurité pour l’audio », a-t-il souligné. Sophie Kelley a alors précisé que l’Assurance Maladie se montre actuellement tolérante avec les prescriptions émanant des médecins généralistes. En effet, à l’heure actuelle, elle continue de les accepter, alors même que les primo-prescriptions d’aides auditives leur sont normalement interdites depuis octobre 2022, s’ils ne sont pas formés spécifiquement ; d’autant plus qu’elle avoue que l’Assurance Maladie ne peut techniquement pas différencier les généralistes ayant suivi la formation en audiologie des autres.

Permettre un accès aux soins pour tous, mais dans de bonnes conditions

Reste qu’en attendant que le nombre de médecins formés soit suffisant, le SDA demande des solutions pour répondre aux besoins dans les zones sous-dotées et à ceux des populations les plus vulnérables. Acquiesçant sur cette constatation, Julie Pougheon demande à la profession de travailler conjointement « pour un accès aux soins dans de bonnes conditions ». Regrettant qu’il faille « parfois 7 mois pour traiter un bouchon de cérumen », elle espère qu’un modèle pourra être trouvé, en particulier pour les résidents des Ehpad, sans tomber dans du démarchage commercial. Dans cette optique, elle a mis en avant les protocoles de délégation de tâches qui pourraient servir de base. Sophie Kelley, pour sa part, a annoncé la création d’un groupe de travail sur l’accès aux populations ne pouvant pas se déplacer, en commission mixte paritaire.

Pour finir, Luis Godinho a regretté la non-application de l’article 15 de la convention CNAM sur les pratiques de communication et a souligné que de grandes campagnes d’information semblent indispensables.

 

Le SDA s’est réjoui du partage possible de l’audiométrie diagnostique

Peu après le congrès, le SDA a souligné à travers un communiqué de presse sa satisfaction sur les annonces marquantes faites lors de cette table ronde, « qui sont le fruit d’une relation partenariale et de confiance tissée avec les pouvoirs publics depuis des années ».

Le SDA se félicite particulièrement de la volonté affichée par la DGOS de progresser sur la question du partage de compétences dans la pratique de l’audiométrie diagnostique. En effet, la DGOS se montre favorable à revoir le principe de « prescripteur-testeur » et envisage la possibilité pour les professionnels de santé prescripteurs d’utiliser un audiogramme réalisé par un audioprothésiste. Cette proposition, qui fait écho à une préoccupation de longue date, est accueillie avec satisfaction par le syndicat, qui s’est engagé à transmettre son projet de règles de bonnes pratiques, élaboré depuis 2020.

Par ailleurs, le SDA s’est réjoui de l’engagement du ministère à adapter la formation des audioprothésistes, et de la mise en place d’une réflexion sur l’exercice du métier d’audioprothésiste en dehors des centres.