Exclusif : La Présidente de l'Autorité de la concurrence, décrypte pour Audio infos l'avis rendu sur le secteur
Fidèle à sa vocation de se tenir au cœur de ce qui fait la vie de votre profession, Audio infos vous invite à faire le point sur le dossier ardent qui secoue le monde de l’audioprothèse depuis décembre. L’avis rendu par l’Autorité de la concurrence (Adlc) le 14 décembre 2016 suscite en effet de nombreuses réactions de la part des représentants de la profession. En exclusivité, nous vous proposons de découvrir les clarifications qu’apporte Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence, sur l’avis rendu par son Institution. Aussi, au regard de témoignages des protagonistes de ce dossier, nous vous proposons des clés pour comprendre les tenants et les aboutissants de cet avis et ce qu’il augure pour l’avenir de votre profession.
L’avis rendu par l’Autorité de la concurrence interroge. En premier lieu, les représentants de la profession qui ont accueilli les conclusions de l’enquête sur le secteur avec circonspection, voire de l’hostilité. Au fil des semaines qui ont suivies la publication de l’avis, les réactions se sont multipliées.
Bref rappel des prises de position des principaux syndicats :
« Les recommandations de l’Adlc ne peuvent être prises à la légère, souligne Guillaume Flahault, le président du Synea (Syndicat national des entreprises de l’audition). Notre profession doit accueillir l’avis de cette institution réputée dans un esprit constructif, en évitant de prêter le flanc aux soupçons de corporatisme. Outre la possibilité de dissociation qui fait débat, le Synea relève et approuve d’autres préconisations de l’Autorité de la concurrence, à savoir la refonte des modalités de remboursement de l’Assurance maladie, celle du devis qui va dans le sens d’une meilleure lisibilité de l’offre, mais aussi la mise en place de campagnes d’information publiques et d’un carnet de soins pour faciliter le suivi. » Et de souligner : « Nous prenons acte des intentions de l’Autorité pour laquelle il « ne s’agirait pas d’imposer la dissociation, mais de la rendre possible ». Le Synea, conscient de ce qu’implique une telle mesure, regrette cependant cette recommandation, arguant que le paiement au forfait a été retenu par tous les pays européens, « puisqu’il est le plus cohérent avec la nature opérateur-dépendante de l’audioprothèse et qu’il est par ailleurs plébiscité par les patients ».
– Lire la réaction complète du Synea.
Pour le Syndicat national des audioprothésistes (Unsaf), l’opposition est plus marquée envers une enquête jugée « partiale » et un avis considéré comme allant « à rebours de la volonté des Français ». Aux yeux de Luis Godinho, la santé et l’audition des patients « ne sont pas un business, mais un enjeu de santé publique ». Et le président de l’Unsaf de pointer les deux présupposés de l’enquête : « les « rentes » et « marges » des audioprothésistes et une solution toute trouvée, les « réseaux de soins », régulièrement encensés par l’Autorité. Pour le président de l’Unsaf, l’enquête a démontré une réalité bien différente : « La grande efficience du secteur de l’audioprothèse. (…) Et plutôt que d’admettre que la principale mesure à préconiser, une augmentation du remboursement, relève des autorités de santé, elle a préféré, pour justifier l’existence de son enquête sectorielle, un « découplage » qui n’existe nulle part en Europe et conduirait à une augmentation des prix et à une diminution de la qualité ». Surtout, l’Autorité, « aveuglée par une idéologie de la concurrence », pousserait à une « individualisation des prix » de l’audioprothèse, qui irait « à rebours des fondements de notre système de santé ». Contestant les conclusions de l’enquête et pointant les « contradictions » et les « omissions » de l’avis, Luis Godinho appelle à une évaluation du secteur par les autorités compétentes en santé, notamment l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) et la Haute Autorité de Santé (HAS) afin de rééquilibrer un débat qu’il estime « biaisé » par cette instruction, et ce, dans un contexte de campagne présidentielle 2017 où les enjeux de santé sont au cœur des discussions.
– Visionnez l’interview de Luis Godinho sur l’avis de l’Adlc.
– Regardez la conférence de presse de l’Unsaf du 18 janvier 2017.
Le Syndicat national des centres Audition Mutualiste (Synam) n’a pas souhaité prendre part à ce dossier, mais a tenu à nous préciser que la question de la réhabilitation auditive devait être aujourd’hui « considérée dans son ensemble et étudiée en concertation avec toutes les parties prenantes. »
Isabelle de Silva apporte des précisions sur l’avis rendu par l’Adlc
Sollicitée par Audio infos, Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence a souhaité apporter des clarifications à l’avis rendu par son institution le 14 décembre 2016. Une façon de couper court aux polémiques et d’expliquer les éléments délicats de l’avis dans un effort de pédagogie à l’égard des professionnels de l’audition.
Propos recueillis par Guillaume Bureau.
Isabelle de Silva, 46 ans, est énarque et conseillère d’Etat, à l’instar du président sortant de l’Autorité de la concurrence, Bruno Lasserre. Elle a également été conseillère (1999-2000) au cabinet de Catherine Trautmann, alors ministre de la Culture, et directrice des Affaires juridiques du ministère de l’Écologie (2009-2011). © Conseil d’État/Dircom
1 – Sur les thèmes qui n’ont pas été retenus dans l’avis final
Audio infos : Il a notamment été « reproché » à l’avis rendu d’omettre deux points qui étaient à l’ordre du jour dans le pré-rapport remis en juillet 2016 et qui mentionnaient le rôle du remboursement public dans l’accès aux soins et la question de l’apport véritable des réseaux de soins ? Qu’est-ce qui a motivé l’Autorité à ne pas se prononcer sur ces sujets et notamment sur les réseaux puisque, jusqu’à présent, l’Autorité soulignait leur effet plutôt pro-concurrentiel ?
Isabelle de Silva : Tout d’abord, et de façon générale, il convient de rappeler que, dans le cadre des avis sectoriels, le document de consultation publique est un document de travail qui a vocation à ouvrir la discussion, de façon très large, avec les parties prenantes. À l’issue de la consultation publique, les réponses fournies aux questions soulevées par l’Autorité sont examinées par le collège dans le cadre de son délibéré. Le collège de l’Autorité est libre de retenir les thèmes sur lesquels il souhaite se prononcer ou faire des propositions, son pouvoir d’appréciation étant très large. En l’espèce, nous avons privilégié les points qui nous semblaient les plus pertinents du point de vue de l’analyse concurrentielle du fonctionnement du marché des audioprothèses.
Sur les réseaux de soins : Il convient de rappeler que les réseaux de soins, qui sont souvent l’objet de critiques émanant de représentants des professionnels de santé (audioprothésistes, dentistes, opticiens), contribuent à animer la concurrence de façon positive, comme l’Autorité l’avait relevé dans son avis de 2009. Dans le cadre de l’instruction de l’avis, l’Unsaf et le Synea ont pointé certains comportements des réseaux de soins. C’est pourquoi, l’Autorité, constatant dans son document de consultation publique, que « les détracteurs des réseaux de soins (n’avaient) pas, à ce stade, apporté d’études ou de données statistiques permettant d’étayer (leurs) affirmations », avait appelé les professionnels du secteur à lui apporter des éléments et notamment « des données statistiques objectives permettant de constater une dégradation de la qualité des soins offerts par les audioprothésistes affiliés ».
Or, à la suite de la consultation publique, l’Autorité n’a pas recueilli d’éléments objectifs permettant d’établir l’existence effective d’une dégradation de la qualité des soins offerts par les professionnels affiliés aux réseaux de soins. Dans leur contribution écrite, l’Unsaf et le Synea ont simplement remis en cause les enquêtes de satisfaction menées par les réseaux de soins (alors que les syndicats d’audioprothésistes procèdent de la même manière pour mesurer la satisfaction de leurs patients) et relevé certains faits isolés qui n’étaient pas de nature à démontrer des allégations de caractère général sur les réseaux de soins. L’Autorité n’a donc pas jugé utile de reprendre ces éléments de fait dans son avis.
Sur le remboursement public : L’Autorité a souligné dans son avis la faiblesse du niveau de remboursement de l’Assurance-maladie en France et montré qu’il était nettement plus élevé dans certains États membres de l’Union européenne. Si elle n’a pas formulé de propositions en faveur d’une amélioration du niveau de remboursement, c’est que cela ne relève pas de son domaine de compétences. Il reste que l’Autorité a échangé avec la CNAMTS sur le sujet. En tout état de cause, compte tenu des difficultés financières de l’Assurance-maladie, l’amélioration du taux de remboursement ne devrait être, selon la CNAMTS, que mesurée. Il faut donc trouver des solutions complémentaires.
En réalité, il n’y a pas d’incompatibilité entre une hausse du niveau de remboursement et la proposition de découplage. Au contraire, il existe une synergie évidente entre ces deux propositions pour faciliter l’accès à l’appareillage du million de personnes non-équipées.
L’Unsaf suggère que le découplage, en supprimant la mutualisation des coûts entre patients, porterait atteinte à la solidarité. Mais aujourd’hui la mutualisation réalisée par les audioprothésistes engendre un prix plus élevé pour la plupart des patients et repose sur une évaluation « haute » du temps consacré au suivi des patients. En outre, on ne saurait opposer comme antinomiques l’amélioration du remboursement et la mise en œuvre du découplage.
2 – Sur le découplage après la première année
Audio infos : Sur le découplage, l’Autorité ne s’est-elle pas enfermée dans une contradiction en le proposant alors qu’elle admet « que les prestations réalisées par l’audioprothésiste relèvent d’enjeux de santé publique », mais applique à ces prestations – selon l’Unsaf – une « logique purement marchande » ?
Isabelle de Silva : Tout d’abord, il est nécessaire de rappeler que la proposition de l’Autorité n’est pas le découplage de chaque prestation, mais qu’elle se limite à la dissociation de la pose initiale de l’appareil et de l’adaptation de la première année d’une part, et des prestations de suivi sur les années suivantes, d’autre part. L’Autorité n’a donc pas suivi les suggestions de certains acteurs préconisant un paiement à l’acte ou une dissociation totale entre la vente de l’appareil « sèche » et les autres prestations de l’audioprothésiste (notamment le réglage initial). Elle a écouté les professionnels, les patients, les spécialistes, et a estimé qu’il importait de maintenir un lien entre le patient et l’audioprothésiste au moins pendant la première année. C’est pourquoi, contrairement à ce que soutient l’Unsaf, il n’existe aucune contradiction entre la proposition de découplage et les enjeux de santé publique.
En outre, la proposition de l’Autorité n’est pas d’imposer le découplage, mais de le rendre possible, de donner une liberté de choix au patient dont il ne dispose pas aujourd’hui. Comme indiqué précédemment, le découplage est encadré par une série de mesures d’accompagnement, comme le carnet de soins ou le rappel annuel du suivi, qui pourraient être encore renforcées par les Pouvoirs publics. La proposition de découplage est donc tout à fait mesurée et conforme à l’intérêt des patients.
À cet égard, il convient de souligner que la proposition de l’Autorité rencontre aussi l’approbation de professionnels et d’utilisateurs. Le professeur Collet, professeur de médecine, ORL, président du conseil d’administration de l’Agence nationale de santé publique, ancien directeur d’une école d’audioprothésiste a fait part de son soutien à la proposition de l’Autorité à l’occasion d’un entretien dans la revue L’ouïe magazine. Le président de l’association de malentendants Bucodes a également déclaré lors de la séance devant le collège, être opposé au paiement à l’acte, mais n’avoir aucune objection de fond à la proposition de découplage, tel qu’envisagé par l’Autorité. Cette association soutient l’instauration d’une telle mesure sous la condition que le remboursement du suivi soit suffisant.
L’argument selon lequel l’Autorité s’inscrirait dans une « logique purement marchande » est régulièrement utilisé par les professionnels de la santé chaque fois que l’Autorité s’intéresse à leurs activités et qu’elle pointe des dysfonctionnements sectoriels.
Or, sans que ce constat remette en cause leur déontologie professionnelle, les acteurs de la santé développent une activité économique et sont soumis à des contraintes financières qui les obligent. Dès lors, ils ne s’inscrivent pas eux-mêmes dans une logique totalement dégagée des contingences matérielles. C’est pourquoi ils ont des activités de marché, fussent-elles très régulées. Au titre des actes de commerce qu’ils effectuent, la jurisprudence considère ainsi les audioprothésistes comme des commerçants. L’Autorité a donc toute légitimité pour s’y intéresser.
Cependant, l’Autorité, quand elle examine le fonctionnement d’un marché de santé, s’attache systématiquement à prendre en compte les impératifs de santé publique. C’est ce qui est rappelé dans le rapport annuel de 2008, cité par le président de l’Unsaf.
Au cas d’espèce, l’Autorité a bien pris en compte les impératifs de santé publique :
– Elle a souligné que plus d’un million de personnes n’avaient pas accès à l’appareillage et qu’elle recherchait des solutions pour faciliter l’équipement de ces patients ;
– Elle n’a pas proposé le découplage « sec » de la vente de l’appareil et des prestations d’adaptation, mais a tenu compte de l’importance des premiers réglages (première année) pour ne proposer un achat séparé du suivi qu’à l’issue de la première année ;
– Elle a proposé une série de mesures pour permettre aux patients d’être mieux informés qu’ils ne le sont aujourd’hui, pour pallier les conséquences d’une forte asymétrie d’information entre eux et les professionnels (carnet de soins remis au patient au moment de l’appareillage, rappel systématique des patients pour procéder au suivi).
Pour illustrer ce déficit criant d’information, je vais vous donner une anecdote : lors de notre séance, le président du Bucodes SurdiFrance (association de patients), lui-même malentendant, a déclaré qu’au moment de son premier appareillage, l’audioprothésiste ne l’avait pas averti qu’il avait besoin et droit à un suivi et que celui-ci était inclus dans le prix qu’il devrait régler !
Audio infos : Dans le détail, l’Unsaf soulève deux points sur le découplage : il estime que la disparition du forfait actuel pourrait encourager certains acteurs, notamment les chaînes d’optique, à accélérer le renouvellement d’appareillage (logique de rentabilité commerciale) ayant pour conséquence une inflation des coûts globaux. Qu’en pensez-vous ?
Isabelle de Silva : Aujourd’hui, dans les conditions actuelles de fonctionnement du marché, l’inflation des coûts globaux n’est pas un risque, mais une réalité. En effet, la tarification forfaitaire en vigueur permet d’entretenir une très grande opacité sur la nature des prestations fournies et d’empêcher toute individualisation des besoins réels des patients en matière de suivi. Affirmer que ce mode de tarification serait par lui-même exempt de toute logique de rentabilité commerciale paraît relativement peu crédible.
Le risque d’une accélération du renouvellement de l’appareillage, qui peut concerner d’ailleurs tant les centres d’optique que des réseaux traditionnels d’audioprothésistes peut être jugulé par diverses voies, qu’il s’agisse de la prescription médicale ou encore de mécanismes de durée minimale d’utilisation des appareils de cinq ans pour être éligible au remboursement de l’Assurance-maladie, tel que préconisé par l’avis rendu en 2008 par la Haute Autorité de santé (HAS) sur les appareils électroniques correcteurs de surdité (audioprothèses). Aujourd’hui, il faut rappeler que le problème est bien celui du sous-équipement et non celui du suréquipement.
Audio infos : D’un point de vue sanitaire, l’Unsaf soulignait le risque d’une « individualisation des prix », qui in fine pourrait pénaliser la minorité de malentendants, 5 à 10 %, ayant le plus besoin de suivi (personnes les plus âgées notamment) dont les coûts individuels exploseraient sans le « moyennage » avec les 40 % ayant besoin d’un peu moins de suivi. Qu’en pensez-vous ?
Isabelle de Silva : Je constate tout d’abord que l’Unsaf reconnaît que 5 à 10 % des patients orientent le prix moyen des prestations des autres patients et, notamment, pèsent sur plus de 40 % de patients dont les besoins de suivi sont moindres. Cette situation ne manque pas d’interroger d’autant plus que dans le régime actuel, la péréquation entre patients est le fait non pas de la solidarité nationale, mais des opérateurs privés, qui peuvent l’organiser à leur profit sans débat ni arbitrage, voire en en tirant profit.
Ne serait-ce pas le rôle de l’Assurance-maladie d’assurer la péréquation et de prendre en charge plus spécifiquement les patients qui sont particulièrement demandeurs de suivi ?
Audio infos : L’avis évoque le cas de l’Allemagne où « la revalorisation du remboursement par la collectivité, qui est passé de 460 euros à 785 euros et a engendré une réduction significative du reste à charge, a conduit à une augmentation importante des ventes d’appareils auditifs avec une augmentation de 22,08 % du volume des ventes entre 2013 et 2014 ». Et l’Autorité de mettre en avant : « À cet égard, le cas de l’Allemagne peut faire l’objet d’une extrapolation, en dépit des différences culturelles ». N’y a-t-il pas là une contradiction avec la mesure proposant de découpler ?
Isabelle de Silva : Comme indiqué précédemment, il n’existe pas de contradiction entre découplage et hausse du remboursement. Ces deux pistes sont complémentaires. Elles le sont d’autant plus que si l’Assurance-maladie réfléchit actuellement à un relèvement du remboursement des audioprothèses, il n’est pas envisagé à ce stade, compte tenu des contraintes budgétaires, de le relever à hauteur de 785 euros.
Il est donc probable que la seule revalorisation du remboursement ne suffira pas, à elle seule, à résorber sensiblement le sous-équipement des patients. Cette mesure doit être accompagnée du découplage qui favorisera la baisse des prix et donnera une plus grande liberté de choix en cas d’insatisfaction.
Audio infos : En comparaison de l’Allemagne, l’Unsaf a insisté sur le silence de l’Autorité sur le fait que le taux d’équipement y est le même qu’en France, malgré un remboursement sept fois supérieur, ce qui montrerait bien l’efficience du secteur en France et les risques de dégradation de la qualité. Qu’en pensez-vous ?
Isabelle de Silva : Un secteur dans lequel un tiers de la demande n’est pas satisfaite ne saurait être qualifié d’efficient. Si ce type de comparaison permet de constater que le marché ne fonctionne pas mieux en Allemagne, il n’autorise pas l’Autorité à en tirer les mêmes conclusions que celles de l’Unsaf. Pour pouvoir conclure en ce sens, il aurait fallu mener une enquête approfondie des réalités allemandes, ce que l’Autorité n’était pas en mesure de faire dans le cadre fixé et le délai imparti.
L’Unsaf soutient qu’une hausse du niveau de remboursement par l’Assurance maladie constituerait la solution idoine pour favoriser l’appareillage des patients non équipés. Or, on constate que malgré un niveau de remboursement beaucoup plus fort en Allemagne qu’en France, le taux d’équipement est similaire dans les deux pays. La solution préconisée par l’Unsaf serait donc inefficace si l’on procède par simple extrapolation de la situation en Allemagne.
3 – Sur le numerus clausus :
Audio infos : Sur le numerus clausus, l’Unsaf a cité l’IGAS qui a décrit « un secteur de l’optique souffrant d’un trop grand nombre d’opticiens dont la conséquence semble être notamment une faible productivité et des prix élevés ». L’Autorité rappelle les « difficultés dans le recrutement d’audioprothésistes » des chaînes d’optique, pourtant il n’est constaté aucune difficulté pour les patients à accéder aux audioprothésistes. Cette volonté de faciliter le maillage des chaînes d’optique ne risque-t-elle pas d’aboutir à une faible productivité et des prix plus élevés ?
Isabelle de Silva :Tout d’abord, la situation du secteur de l’optique (prix élevés et surnombre de professionnels) trouve son explication principale dans le rôle joué par les Ocam dont certains offrent des niveaux de remboursement complémentaire très substantiels. Cela a d’ailleurs conduit récemment les pouvoirs publics à plafonner le remboursement complémentaire des soins d’optique. Le secteur de l’audioprothèse ne présente pas, à ce jour, des caractéristiques similaires. Par conséquent, on ne peut tirer de l’expérience du secteur de l’optique des conclusions trop rapides sur l’évolution du secteur de l’audioprothèse, en cas de levée ou d’augmentation du numerus clausus.
Les difficultés de recrutement dans le secteur de l’optique ont été soulignées par les professionnels. Si ces difficultés n’entraînent pas, dans les conditions actuelles, de problèmes d’accès pour les patients équipés, un tiers de la demande n’est toujours pas satisfaite.
La proposition de l’Autorité ne vise toutefois pas à lever ou augmenter le numerus clausus pour accroître l’offre sans lien avec la demande. Elle tend à favoriser le recrutement de nouveaux salariés par les centres d’optique, qui figurent parmi les acteurs les plus dynamiques du marché, notamment en termes de prix, et qui pourraient ainsi animer plus fortement la concurrence, notamment en pratiquant des baisses de prix ou en mettant en place des innovations dans le service rendu. C’est par cet enrichissement de l’offre en termes de prix, de qualité et de diversité que l’on pourra contribuer à une baisse des prix et donc faciliter l’accès de nouveaux patients à l’appareillage.
Dans l’hypothèse d’un accès plus large des patients à l’équipement qui pourrait conduire un million de personnes vers des centres d’audioprothèses – et tel est l’objectif que poursuit l’Autorité – la population actuelle d’audioprothésistes sera insuffisante pour répondre à la demande de soins.
Audio infos : L’Unsaf écrivait que l’Autorité « a empiété sur les missions de l’ONDPS ». Qu’en pensez-vous ?
Isabelle de Silva : Au-delà des questions qui relèvent de l’organisation d’une profession, pour lesquelles l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) est compétent, la fixation d’un numerus clausus dans une profession, y compris de santé, a pour effet de raréfier l’offre et, par conséquent, de peser négativement sur le fonctionnement concurrentiel du marché concerné.
L’Autorité est dans son rôle lorsqu’elle identifie des freins au bon fonctionnement concurrentiel des marchés. Le législateur a prévu à l’article L. 461-1 du Code de commerce, que l’Autorité « veille au libre jeu de la concurrence » et qu’elle « apporte son concours au fonctionnement concurrentiel des marchés ».
Pour ce qui concerne plus particulièrement les marchés de santé, l’Autorité a déjà eu l’occasion de relever qu’un numerus clausus peut se justifier dans la mesure où la raréfaction de l’offre contribue &agrav