RAC zéro : ce qu’il faut retenir de cette réforme au déploiement progressif
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Après plusieurs mois d’âpres discussions, le RAC zéro en audioprothèse a été dévoilé mercredi 13 juin à Montpellier, à l’occasion de l’ouverture du Congrès de la Mutualité française. Et c’est le Président de la République, présentant de nouvelles orientations de sa politique sociale qui a exposé les grands traits de ce dispositif étalé sur trois ans et qui génèrera des économies pour le patient dès 2019. Décryptage.
Le RAC zéro en audioprothèse est sur les rails. S’il faut retenir que des scénarios jugés comme potentiellement délétères par le secteur sur le plan de la viabilité économique du secteur ont été écartés : découplage ou encore plafonnement des prix en classe II, il convient de garder à l’esprit que les négociations ne sont pas totalement terminées, bien des « détails » restent en effet à affiner. Il convient également de considérer que cette réforme se fera par étapes et consistera à passer d’un « Reste à charge maîtrisé » à un « Reste à charge zéro » à échéance 2021.
Pourquoi un reste à charge zéro en audioprothèse ?
Les grands traits de la réforme sont désormais connus. Son objectif, rappelons-le, est de lever le renoncement aux soins audioprothétiques. En 2013, l’Inspection générale des Affaires sociales (Igas) expliquait : « 2,5 à 3 millions de personnes sont appareillables » en France, sur un total d’environ six millions de personnes présentant un déficit auditif. Trois millions de personnes susceptibles d’être appareillées ne le sont donc pas, avec tout ce que cela implique en termes de Santé publique – les fameux « 3D » : démence, dépression, dépendance. Sans compter les risques de chute. Actuellement, les remboursements de l’Assurance maladie sont précisément de 119 euros net par oreille auxquels il faut ajouter en moyenne 350 euros payés par les complémentaires de santé. Cela laisse environ 1 000 euros à la charge des patients adultes et ne permet pas aux patients aux revenus modestes d’accéder aux appareils auditifs. Une situation qui laisse les personnes souffrant de déficit auditif en France subir un handicap aux fortes répercussions, et instaure une forte inégalité d’accès à sa compensation. Avec taux d’appareillage effectif estimé par le Gouvernement à 35 % de la population souffrant d’une déficience auditive, même s’il est en progression, ce taux est encore inférieur à celui observé dans d’autres pays européens. Partant du constat que si le prix de l’équipement n’est pas l’unique obstacle à l’appareillage, il est toutefois cité comme la cause première du non-appareillage. Ainsi, le Gouvernement souhaite se rapprocher du ratio de 45 % à 50 % de taux d’appareillage de la population devant l’être ; le RAC zéro étant censé répondre à cette nécessité de Santé publique.
Qu’est-ce que le panier de soins RAC zéro ?
Comme nous vous l’évoquions précédemment, les aides auditives sont désormais répertoriées en deux catégories : la première catégorie (Classe I) constitue le dispositif « sans reste à charge ». La seconde catégorie (Classe II) permettra de proposer des équipements à prix libre, avec tout de même, des prix médians.
Comme le souhaitait la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, les équipements proposés dans le panier de soins RAC zéro seront des équipements de qualité, tant par leur esthétique – le panier inclut les dispositifs intra auriculaires – que par leurs performances techniques et par les garanties qui sont associées : 30 jours minimum d’essai de l’aide auditive avant achat et quatre ans de garantie.
Quelles sont les spécificités techniques des appareils « RAC zéro » ?
Le contenu du panier du panier de soins RAC zéro est qualitatif et représente environ 35 % du marché actuel.
– Tous les types d’appareils sont concernés : contours d’oreille classiques, contours à écouteurs déportés, intras-auriculaire.
– 12 canaux de réglages pour assurer une adéquation de la correction au trouble auditif (ou dispositif de qualité équivalente à 8 canaux, mais disposant d’options supplémentaires) et système permettant l’amplification des sons extérieurs restitués à hauteur d’au moins 30 dB.
– 30 jours minimum d’essai de l’aide auditive avant achat.
– 4 ans de garantie.
– Au moins trois des options suivantes : système anti-acouphène, connectivité sans-fil, réducteur de bruit du vent, synchronisation binaurale, directivité microphonique adaptative, bande passante élargie ≥ 6 000 Hz, fonction apprentissage de sonie, dispositif anti-réverbération.
– Des prestations de suivi (au moins une fois par an) pour adapter en continu le réglage de l’appareil en fonction de l’évolution de la perte auditive.
Quid de la classe II ?
Les instances professionnelles l’ont emporté aux forceps, les tarifs de la classe II restent libres. Aussi, la base de remboursement par la Sécurité sociale est identique à celle du panier de soins RAC zéro ; c’est-à-dire qu’il passera à échéance 2021 de 200 à 400 euros (contre tout de même 800 euros en Allemagne, 660 euros en Belgique, 600 euros en Italie…). Aussi, le Gouvernement met en place un dispositif, conjoint avec la profession, de contrôle de l’évolution des tarifs dont le but est d’éviter les dérives ou report d’un manque à gagner sur la Classe I vers la Classe II. Ce dispositif prévoit d’imposer un prix limite de vente en cas d’évolution trop importante des tarifs. Par ailleurs, le Gouvernement précise que le tarif de prise en charge par les contrats des assureurs complémentaires (contrats responsables) limite la prise en charge totale (assurance maladie obligatoire et complémentaire) à 1 700 euros par oreille.
Les instances professionnelles réunies autour de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn afin de signer officiellement le projet de réforme de reste à charge zéro en audioprothèse © Ministère de la Santé.
Du « Reste à charge maîtrisé » au « RAC zéro », une réforme dans le temps
Le déploiement de la réforme débutera au 1er janvier 2019 pour trouver son rythme de croisière en 2021. Dans les faits, les tarifs des aides auditives faisant l’objet du panier de soins « RAC zéro » seront plafonnés à compter du 1er janvier 2019 et progressivement réduits. Ainsi dès l’année prochaine, les audioprothésistes devront proposer au patient un panier de produits « Reste à charge maîtrisé », avec des appareils auditifs au prix plafonné à 1 300 euros et qui ne laisseront plus que 600 euros de reste à charge moyen au patient contre 1 000 euros aujourd’hui. Soit un gain de 400 euros par oreille équipée en moyenne. En 2020, nouvelle étape avec des efforts partagés par tous les acteurs pour proposer des appareils à un prix plafonné cette fois à 1 100 euros. Le reste à charge du patient ne sera plus que de 300 euros. La base de remboursement de la Sécurité sociale (BRSS) ou tarif de responsbilité sera dans le même temps progressivement augmenté, passant de 200 euros à 300 euros en 2019, de 300 à 350 en 2020 pour arriver à 400 euros en 2021. À partir de 2021, les prothèses auditives seront intégralement remboursées dans la limite d’un plafond allant jusqu’à 950 euros par oreille. Ainsi, à horizon 2021, toutes les mutuelles seront ainsi dans l’obligation de rembourser 710 euros pour arriver au RAC zéro. Les appareils RAC zéro sont équivalents à des produits aujourd’hui facturés de 1 200 à 1 300 euros.
Pour les enfants, le remboursement en Classse I sera de 1 400 euros par oreille à partir de 2019. Un remboursement qui finalement ne change pas, mais auquel sera ajouté un prix limite de vente fixé également à 1 400 euros avec un renouvellement tous les quatre ans, comme pour les adultes. En classe II, les tarifs restent libres, mais toujours sur la base de 1 400 euros.
Une présence professionnelle renforcée : un numerus clausus progressivement adapté
Partant du constat qu’il faut garantir la disponibilité de professionnels et améliorer le suivi, le nombre d’audioprothésistes formés sera progressivement augmenté pour s’adapter à l’évolution prévisionnelle du nombre de personnes appareillées, fait savoir le Gouvernement. Il sera porté d’ici 2021 à 300, contre 214 aujourd’hui, pour l’essentiel par augmentation des effectifs des formations déjà existantes. Pour le ministère de la Santé, le suivi des patients sera ainsi mieux assuré.
Un suivi facilité et amélioré à l’aune d’une démarche d’évaluation de la satisfaction
Si la fourniture d’une aide auditive inclut donc toujours la prestation de réglage et d’adaptation pour les quatre années ultérieures, la réalisation effective de cette prestation donnera lieu à du suivi et de la traçabilité via l’envoi, à différentes étapes, d’un questionnaire auprès du patient. Par ailleurs, la prise en charge en cas de déménagement ou de souhait du patient de changer d’audioprothésiste sera facilitée : l’audioprothésiste ayant réalisé l’appareillage transmettra à l’un de ses pairs (choisi par le patient) l’ensemble des informations nécessaires à la continuité de sa prise en charge.
Une meilleure lisibilité des contrats proposés par les complémentaires
Dans le cadre de la mise en place du Reste à charge zéro en optique, dentaire et audioprothèse, « les organismes complémentaires se sont engagés collectivement à améliorer la lisibilité des contrats et faciliter ainsi la comparaison entre contrats et le choix du consommateur », souligne le ministère de la Santé.
Ainsi, tous les contrats comporteront un tableau de garanties avec des libellés communs pour les grands postes de soins. Les organismes complémentaires devront ainsi harmoniser les principaux intitulés dans leurs tableaux de garanties et utiliser ces intitulés sur l’ensemble des supports à destination des adhérents et assurés. « Cette harmonisation des grands intitulés permettra une comparaison plus aisée entre les contrats », fait valoir le ministère. Un tableau d’exemples de remboursement exprimés en euros et reprenant obligatoirement certaines prestations sera rendu accessible à chaque assuré ou personne souhaitant souscrire une complémentaire santé afin d’évaluer la couverture que lui offre son contrat ou le contrat proposé, est-il par ailleurs précisé. Ces exemples sont censés permettre aux assurés d’estimer, pour une situation et un tarif donné, les remboursements de l’assurance maladie obligatoire, ceux de l’assurance maladie complémentaire ainsi que leurs restes à charge éventuels. En ce sens, des simulateurs de remboursement seront progressivement développés (site Internet, application, etc.). Ces mesures entreront progressivement en vigueur durant l’année 2019 pour une application complète au 1er janvier 2020.
Une volonté politique forte
Lors de son discours présentant les orientations de sa politique sociale et la mise en place du remboursement à 100 % de paniers de soins en dentaire, optique et audition, Emmanuel Macron a annoncé vouloir renforcer « considérablement la prévention, notamment chez les jeunes, avec des dépistages visuels et auditifs automatiques ». Le plan Priorité prévention présenté par le Gouvernement le 26 mars prévoit en effet de redéployer les examens obligatoires actuellement concentrés sur les enfants de moins de 6 ans et de créer nouvelles consultations destinées aux jeunes de 8-9 ans, 11-13 ans et 15-16 ans, prises en charge à 100 %. Ces consultations incluront un bilan auditif. Par ce biais, le Chef de l’État souhaite mieux prévenir, pour in fine dépenser moins. Pour le Président, le RAC zéro est « une conquête sociale essentielle », assurant qu’il n’y aura « pas de marché de dupes » sur les tarifs des complémentaires santé. Et de préciser : « Nombre de nos concitoyens doivent renoncer à se soigner » et sont ainsi « privés de la possibilité de sourire, de voir, d’entendre », un facteur « drames individuels ».
Dans un contexte de refonte profonde du système de santé français, le Président de la République a par ailleurs annoncé la présentation d’une loi sur les retraites « au début de l’année 2019 » et une loi sur le financement de la dépendance qui sera votée avant la fin 2019 afin de « répondre une nouvelle vulnérabilité sociale ».
Pour aller plus loin :
– Découvrir la nouvelle nomenclature technique.
– Découvrir la nouvelle nomenclature tarifaire.