Vers une plus grande acceptation des aides auditives.
Publi-reportage
Dans de nombreux secteurs, des groupes de revue bibliographique, constitueĢs de professionnels, se reĢunissent pour discuter avec un regard critique d’articles de revues scientifiques. Pour en reprendre le principe, la rubrique “Journal Club” a eĢteĢ lanceĢe. Jason Galster, chercheur en audiologie, a accepteĢ que nous publiions une adaptation d’un de ses articles de blog, pour un lectorat plus eĢtendu. D’autres revues seront proposeĢes dans les prochains numeĢros d’Innovations.
Ā«Ā Une perte auditive se remarque plus quāune aide auditiveĀ Ā», māa dit, un jour, un patient. Pour ĆŖtre honnĆŖte, Ć cette Ć©poque, soit quelques annĆ©es en arriĆØre, ce nāĆ©tait pas toujours le cas. Les aides auditives eĢtaient plus grosses et visibles, les Larsens difficiles aĢ controĢler et souvent geĢnants pour lāutilisateur. Aujourdāhui, en plus dāavoir gagnĆ©Ģ en finesse, discreĢtion et confort, elles sont doteĢes dāun systeĢme de gestion des Larsens efficace. Et pourtant, de nombreux utilisateurs ā actuels et potentiels ā sāinquieĢtent toujours dāune eĢventuelle stigmatisation lieĢe aĢ lāutilisation de tels appareils.
MalgreĢ les avantages quāils peuvent en tirer ā meilleure communication et stress, efforts dāeĢcoute et fatigue moindres ā, les malentendants retardent freĢquemment lāachat dāaides auditives, lorsquāils ne sāy deĢrobent pas, de crainte dāeĢtre consideĢreĢs comme Ā« vieux Ā» ou Ā« diminueĢs Ā». Des associations dāideĢes neĢgatives qui ont collectivement eĢteĢ appeleĢes Ā« effet aide auditive Ā». Lāexpression a eĢteĢ inventeĢe par Blood, Blood et Danhauer en 1977, lors dāune eĢtude impliquant 25 eĢtudiants auxquels des photos de 12 adolescents avec et sans aides auditives ont eĢteĢ montreĢes. Ces eĢtudiants ont ensuite duĢ juger les jeunes hommes en termes dāintelligence, reĢussite, personnaliteĢ et apparence. Toutes qualiteĢs confondues, les participants ont accordeĢ moins de creĢdit aux garcĢ§ons qui portaient des aides auditives, contrairement aĢ ceux qui nāen avaient pas.
Lāeffet aide auditive mis en avant dans cette premieĢre eĢtude a eĢteĢ confirmeĢ par dāautres rapports (Blood, et al., 1978 ; Danhauer et al., 1980 ; Brimacombe & Danhauer, 1983). Il est ressorti dāeĢtudes impliquant le jugement dāenfants sur dāautres enfants un a priori toujours neĢgatif vis-aĢ-vis des utilisateurs dāaides auditives, concernant des qualiteĢs comme lāintelligence et le charme (Dengerink & Porter, 1984 ; Silverman & Klees, 1989). AĢ lāinverse, des eĢtudes impliquant le jugement dāadultes sur dāautres adultes nāont deĢmontreĢ aucun effet aide auditive (Iler et al., 1982 ; Johnson & Danhauer, 1982 ; Mulac et al., 1983).
De facĢ§on geĢneĢrale, plusieurs rapports de 1977 aĢ 1985 ont indiqueĢ que la stigmatisation lieĢe aux aides auditives aĢ cette eĢpoque tendait aĢ sāameĢliorer progressivement. Une eĢtude bien plus reĢcente (Clucas, et al., 2012) a constateĢ en substance le contraire de lāeffet aide auditive typique, 181 eĢtudiants en meĢdecine ayant eĢvalueĢ, sur photos, un jeune homme portant des aides auditives comme davantage digne de respect que le meĢme jeune homme sans aide auditive.
Des Ć©tudes dans lesquelles des enfants Ć©valuaient dāautres enfants ont rĆ©vĆ©lĆ© des a priori toujours nĆ©gatifs Ć lāĆ©gard des individus pourtant des aides auditives sur des critĆØres tels que lāintelligence et le charme.
Au fil des ans, les aides auditives ont gagneĢ en finesse et discreĢtion. ReĢduction du Larsen, fonctions automatiques et performance accrue dans le bruit ont permis aĢ leurs utilisateurs dāeĢtre plus performants au quotidien, attirant, de fait, moins lāattention sur leur perte auditive. De plus, les dispositifs auditifs tels quāeĢcouteurs pour lecteurs MP3 et casques Bluetooth, parfaitement visibles, sont devenus dāusage courant. La loi ameĢricaine en faveur des personnes handicapeĢes (Americans with Disabilities Act) a promu la participation pleine et eĢgale des personnes souffrant de handicap, notamment de perte auditive.
Des personnaliteĢs publiques ont ouvertement eĢvoqueĢ leur perte dāaudition et leur utilisation dāaides auditives, dont les preĢsidents Ronald Reagan et Bill Clinton et des musiciens comme Pete Townsend et Neil Young. Lāensemble de ces facteurs a vraisemblablement eu une influence positive sur la perception geĢneĢrale de la perte dāaudition et des aides auditives, reĢduisant la stigmatisation largement reĢpandue dans les premiers rapports.
Comme lāeffet aide auditive nāa toutefois pas eĢteĢ reĢexamineĢ de la meĢme manieĢre que dans le rapport original, il est difficile de savoir comment les perceptions actuelles se distinguent de lāeĢtude de reĢfeĢrence. Dans leur eĢtude, Rauterkus et Palmer ont demandeĢ aĢ de jeunes adultes dāexaminer et eĢvaluer des images de jeunes hommes avec et sans aides auditives, reprenant le protocole des premieĢres eĢtudes pour comprendre lāeffet aide auditive aujourdāhui.
Vingt-quatre eĢtudiants de cycle supeĢrieur en MBA ont eĢteĢ recruteĢs pour eĢvaluer les photographies de cinq jeunes hommes, aĢgeĢs de 15 aĢ 17 ans. Tous ont eĢteĢ photographieĢs dans cinq configurations diffeĢrentes :
1. Avec un BTE standard coupleĢ aĢ un embout et un tube standard.
2. Avec un BTE ouvert coupleĢ aĢ un tube fin et un doĢme.
3. Avec un CIC invisible sur la photo.
4. Avec des embouts eĢcouteurs semblables aĢ ceux dāun lecteur MP3.
5. Avec un casque de teĢleĢphone Bluetooth.
Sur les images, les jeunes hommes eĢtaient assis, en train de lire un livre. Toutes les photos ont eĢteĢ prises du coĢteĢ gauche arrieĢre des jeunes hommes, pour que leur coĢteĢ gauche et lāarrieĢre de leur teĢte soient visibles et que les dispositifs auditifs se voient clairement. Tous les jeunes hommes portaient les meĢmes habits pour que les jugements des participants ne soient pas alteĢreĢs par dāeĢventuelles diffeĢrences.
Aucun participant nāa vu le meĢme jeune homme dans plus dāune configuration. Chaque image a eĢteĢ montreĢe sur une page au-dessus dāune liste de huit attributs : seĢduisant, jeune, brillant, travailleur, seĢrieux, intelligent, sympa et instruit. Il a eĢteĢ demandeĢ aux participants dāeĢvaluer le jeune homme de lāimage pour chaque attribut sur une eĢchelle de 1 aĢ 7. Ces huit attributs ont eĢteĢ choisis pour avoir eĢgalement eĢteĢ les plus communeĢment eĢvalueĢs lors des preĢceĢdentes eĢtudes sur lāeffet aide auditive.
Aucune diffeĢrence significative nāa eĢteĢ constateĢe dans les eĢvaluations des cinq jeunes hommes montreĢs en photo. Les donneĢes relatives aĢ toutes les images ont donc eĢteĢ rassembleĢes pour eĢtre analyseĢes. Une diffeĢrence appreĢciable a eĢteĢ constateĢe dans lāeĢvaluation de lāaĢge entre les images de lāutilisateur du CIC et lāutilisateur de lāeĢcouteur, lāutilisateur du CIC eĢtant consideĢreĢ comme significativement plus vieux que lāutilisateur de lāeĢcouteur. Les CIC nāeĢtant toutefois pas visibles sur les photos, cette diffeĢrence peut sāexpliquer par le fait que lāutilisation dāeĢcouteurs est associeĢe aĢ des individus jeunes tandis que lāutilisation dāun CIC a une connotation plus neĢgative.
Les travaux de Raukertus et Palmer suggĆØrent que lāeffet aide auditive a diminuĆ©, voire sāest inversĆ©.
Une diffĆ©rence significative a Ć©tĆ© constatĆ©e en termes de sĆ©rieux entre lāutilisateur de BTE et celui dāun appareil Bluetooth, lāutilisateur du casque Bluetooth eĢtant jugeĢ beaucoup moins seĢrieux. Les constatations des auteurs indiquent clairement que les participants nāont pas eu de reĢactions neĢgatives quant aux photos des utilisateurs dāaides auditives et nāont pas apporteĢ la preuve de lāeffet aide auditive noteĢ lors des premieĢres eĢtudes.
Le travail de Rauterkus et Palmer suggeĢre que lāeffet aide auditive a diminueĢ, voire sāest inverseĢ. Un message positif pour les audioprotheĢsistes, meĢme sāil nous reste aĢ comprendre lāautoperception des utilisateurs dāaides auditives. On pourrait supposer que la banalisation des dispositifs auditifs et les progreĢs reĢaliseĢs en matieĢre de finesse, design, performance et connectiviteĢ des aides auditives ont ameĢlioreĢ la perception des autres quant aĢ leur utilisation, se traduisant par une diminution documenteĢe de lāeffet aide auditive. Il est possible que les meĢmes facteurs sociaux et technologiques affectent pareillement la perception de soi plutoĢt neĢgative des utilisateurs dāaides auditives. Si le temps nous dira ce quāil en est de ces tendances, des eĢtudes peuvent dāores et deĢjaĢ nous en fournir un apercĢ§u.