Les complémentaires santé profitent-elles du 100% santé pour augmenter (discrètement) leurs cotisations ?
Alors que le 100% santé vient d' entrer en vigueur pour le dentaire et l'optique, UFC Que choisir révèle aujourd’hui que les complémentaires santé aurait appliqué une augmentation « massive » de leurs tarifs pour 2020, contrairement aux engagements qu’elles avaient pris lors des négociations.
« Avec les représentants des complémentaires santé, nous avons fait en sorte que la réforme du 100% santé soit absorbable sans augmentation des cotisations » nous expliquait Mathilde Lignot Leloup, la directrice de la sécurité sociale, lors d’une interview pour Audio Infos de juin-juillet 2019. Et pourtant. UFC-Que Choisir vient de révéler, dans un communiqué, que les tarifs de certaines complémentaires santé auraient « flambé » en 2020. Selon l’association de consommateurs, cette hausse correspondrait à l’entrée en vigueur au 1er janvier 2020 de la réforme du 100% santé en dentaire et optique, en plus de l’audioprothèse.
Pour réaliser cette étude, UFC-Que Choisir a demandé à 500 personnes de lui transmettre leur contrat de complémentaire santé pour les étudier. Sur cette base, l’association aurait mis en évidence une hausse médiane de 5%, « bien au-delà des 3% annoncés par certains professionnels, et d’avantage qu’en 2019 (+4%) […] L’inflation annuelle dépasse même 150 euros pour 20% des contrats étudiés ».
« Il peut y avoir des augmentations des tarifs liés à d’autres facteurs, notamment le vieillissement de la population » poursuivant la directrice de la sécurité sociale, dans Audio Infos. Argument repris par Albert Lautman, le directeur général de la Fédération Nationale de la Mutualité française, qui conteste le résultat de cette étude et explique sur son compte Twitter que « ces hausses n’ont pas de lien avec la réforme du reste à charge pour les lunettes et les dents […] C’est l’effet di vieillissement, du développement des pathologies chroniques et de l’innovation thérapeutique notamment ».
UFC-Que Choisir note en revanche une grande disparité dans les augmentations. 10% des consommateurs ont vu leur cotisation augmenter de seulement 1,9%, alors que d’autres subissaient une inflation de … 35%. Le rapport note que les mutuelles auraient été les moins inflationniste (+4,6%), à l’inverse des institutions de prévoyance, qui auraient répercuté la plus forte hausse (9%).
UFC- Que choisir demande au Ministère de la santé à cette occasion, la possibilité pour les assurés de résilier à tout moment leur assurance complémentaire, une manière de faire jouer la concurrence et de limiter les hausses, selon eux.
Parallèlement, l’Unsaf (Syndicat National des Audioprothésistes) note que certaines complémentaires ont même diminué la prise en charge des aides auditives de classe II (celles qui ne font pas parti du panier 100% santé), ce qui laisserait un reste à charge supérieur pour le patient à celui qu’il aurait eu avant la réforme s’il choisit un appareil de classe II. Selon le syndicat, ce déséquilibre inciterait beaucoup trop à l’adoption des appareils de classe I, qui ne sont pas toujours adaptés au patient. Par ailleurs, cela porterait atteinte à l’équilibre économique des audioprothésistes, qui avaient consenti à un effort sur la classe I, en s’engageant sur un taux de 20% de classe I, mais pas plus.
Augmentation due au vieillissement de la population ou utilisation du 100% santé pour augmenter ses cotisations et diminuer ses remboursements ? C’est désormais au Ministère de la santé de trancher.
Corinne Couté