Un projet de loi déposé pour la création d'un ordre des audioprothésistes
Coup de théâtre, vendredi soir, aux EPU : lé député du Maine-et-Loire François Gernigon a annoncé qu'il déposerait la semaine prochaine à l'Assemblée nationale un projet de loi pour qu'un Ordre des audioprothésistes soit créé. Ce sujet devrait ensuite être discuté en avril 2025, lors d'une niche parlementaire.
Lors de l’ouverture de l’EPU 2024 ce 29 novembre à la Cité des Sciences et de l’Industrie de Paris, le Pr Lionel Collet, président de la Haute autorité de santé depuis 2023 et précédemment chef du service d’audiologie et d’explorations oro-faciales aux Hospices civils de Lyon, directeur de l’Institut des sciences et techniques de la réadaptation et ancien directeur de l’école d’audioprothèse de Lyon, a fortement insisté sur les différents avantages qu’aurait la profession à se doter d’un Ordre professionnel.
De nombreux arguments pour la création d’un ordre
« J’ai toujours pensé qu’il revient aux professions de piloter leur profession », a déclaré le Pr Collet en introduction. Il a notamment souligné que la certification périodique des professionnels de santé tous les 6 ans ne concerne que les professions à Ordre, actuellement au nombre de sept. Ce sont les Ordres qui vérifieront le respect des obligations de certifications. « Il y aura rapidement deux catégories de professionnels de santé : les professions certifiées et les autres. La certification permet une garantie vis-à-vis des pouvoirs publics mais aussi des patients. Un Ordre des audioprothésistes vous ouvrirait cette certification », a-t-il déclaré en ajoutant que cette création permettrait également la saisine de la HAS afin que l’organisme donne un avis pour inscrire un acte à la nomenclature. « A ce jour, seuls le ministère de la Santé, l’Assurance maladie et les industriels peuvent saisir l’HAS. Mais le PLFSS 2025 comporte un article qui ajoute les Ordres professionnels à cette liste. Même s’il n’y a pas d’actes aujourd’hui, cela ne veut pas dire qu’il n’y en aura pas un jour. Sans Ordre, les audioprothésistes ne pourront pas saisir la HAS ».
Par ailleurs, Lionel Collet a également regretté l’absence d’une société savante en audioprothèse, qui empêche la mise en place d’un Conseil national professionnel. « Le Collège fait actuellement office de société savante mais vous ne pourrez pas faire l’économie d’une réelle société savante propre à votre profession », a-t-il prédit.
Enfin, récapitulant les actions de l’HAS dans le segment de l’audiologie, le président de la Haute Autorité de Santé, a déclaré travailler à l’actualisation d’une recommandation sur la prise en charge de la surdité de l’enfant et sur l’élaboration d’une autre sur les acouphènes invalidants. Il a également annoncé que la HAS avait été saisie pour une demande sur la prise en charge de la perte auditive des plus de 60 ans, actuellement en cours d’instruction. « Nous déciderons dans les prochains jours, d’ici à la fin du mois de décembre, si la HAS s’engagera dans l’élaboration de cette recommandation. C’est la première fois qu’une demande de recommandation arrive à un tel niveau d’avancement dans votre domaine », a-t-il souligné.
Une proposition de loi déposée prochainement
Comme pour enfoncer le clou, en fin de journée du vendredi 29 novembre, l’amphi des EPU a connu un coup de théâtre avec l’annonce par Matthieu Del Rio, président du CNA, d’un invité surprise. Le député de la 1ère circonscription du Maine-et-Loire, François Gernigon, est monté sur scène pour annoncer qu’il allait déposer tout prochainement une proposition de loi parlementaire, portant sur la création d’un Ordre, normalement, la semaine prochaine. Particulièrement sensible aux sujets touchant la surdité en raison de sa propre expérience de malentendant, François Gernigon a annoncé travailler depuis plus d’un an sur la création d’un Ordre, en collaboration avec de nombreux acteurs engagés sur le sujet que ce soient des syndicats, des associations, des acteurs du monde de l’audition ou des patients.
Il a rappelé que la création d’un ordre permettrait la mise en place d’un code de déontologie et de bonnes pratiques, la certification périodique des compétences et la valorisation de la profession mais qu’une telle instance permettrait également de lutter contre les fraudes.
« Ma proposition de loi est prête et sera déposée dans les prochains jours à l’Assemblée nationale. Je compte bien sûr sur votre soutien et votre mobilisation », a souligné le député qui espère réunir de nombreux appuis au sein de l’Assemblée Nationale.
Cette annonce représente le fruit d’un travail de sensibilisation mené depuis dix ans par le Collège, soutenu par d’autres acteurs de la profession tels que la Fédération Nationale des Étudiants en Audioprothèse et depuis environ deux ans le Syndicat des Audioprothésistes.
Le Synea (Syndicat national des entreprises de l’audition), qui regroupe les dirigeants des principales enseignes, y est en revanche opposé, estimant qu’un Ordre n’est pas la solution aux problèmes actuels de la profession.
L’objectif est de faire converger la profession vers des pratiques de qualité et une régulation renforcée, des objectifs partagés par tous. « Nous espérons qu’il sera possible de rallier les autres organisations représentatives, afin de fédérer toute la profession autour de cette première proposition de loi qui nous est entièrement dédiée », a déclaré Matthieu Del Rio, président du Collège National d’Audioprothèse. Il a appelé toutes les parties prenantes à se mobiliser activement pour soutenir ce projet. « Chaque rencontre avec un député ou une institution gouvernementale est une occasion de faire avancer cette initiative. Nous espérons également que le groupe parlementaire de Monsieur Gernigon – Horizons – inscrira cette proposition de loi à l’ordre du jour de sa niche parlementaire prévue le 3 avril 2025 », a précisé Matthieu Del Rio.
Le Collège a annoncé la création d’un groupe de travail dédié à l’instauration de l’Ordre national des audioprothésistes. Constitué au sein de l’institution, il sera composé d’Éric Bizaguet, Stéphane Laurent et François Le Her. Ce groupe aura pour mission de formuler des recommandations pour accompagner les débats parlementaires, puis les discussions réglementaires, nécessaires à la mise en place de cet ordre. Son approche s’appuiera sur les meilleures pratiques identifiées en France, dans d’autres professions ordinales, ainsi qu’à l’international, en s’appuyant notamment sur l’expertise de David Gélinas, président de l’ordre des audioprothésistes du Québec, une organisation en lien étroit avec le Collège depuis de nombreuses années.